Bonjour à tous,
Je vais vous raconter mon opération du dos et particulièrement, la période où j’ai été hospitalisée. Il me semble qu’il serait intéressant de vous partager mon ressenti et mes observations, surtout que nous sommes actuellement en pleine crise des urgences. Comme je le dis souvent, c’est leur métier mais c’est notre vie.
Petite précision avant de commencer, l’opération et l’hospitalisation se sont déroulées en hôpital pédiatrique.
Deux ans après la première intervention que j’ai subie sur mon dos (une arthrodèse), j’ai dû faire face à une deuxième. L’opération en elle-même est très simple (pour le chirurgien évidemment) : le chirurgien avait placé la fois précédente deux tiges coulissantes de part et d’autre de ma colonne vertébrale afin de corriger mon importante scoliose, cette fois-ci, il était juste question de rallonger les tiges en les faisant coulisser pour permettre à celles-ci de suivre ma croissance.
L’idée de cette re-tension de tiges ne m’était guère plaisante, mais enfin, il fallait bien y passer. En effet, la première fois, je n’ai absolument pas été prévenue des douleurs dont je pouvais faire l’objet. Des mois durant, des douleurs insupportables accablèrent le bas de mon dos – j’étais entre temps retournée au collège, je sortais de l’établissement en pleurant et faisais mes devoirs allongée le soir – au point où, j’ai été contrainte à prendre du tramadol[1] (un dérivé morphinique, pour les novices !). Rassurez-vous, – même si je le rappelle, il ne faut pas prendre ce type de médicament à la légère (petit jeu de mots) – j’étais en bien meilleure forme, aussi bien physique que mentale. Je savais de toute façon que cela serait ponctuel et seulement en cas de besoin. En revoyant mon chirurgien, je lui ai demandé pourquoi est-ce qu’il ne m’avait pas prévenu. Il me dit tout simplement : « Je ne voulais pas te faire peur. ». Je suis sûre qu’il n’avait aucune mauvaise intention et que cette déclaration est vraie, mais se rend-il compte à quel point il est difficile d’être patient ? Surtout que je ne suis pas du genre à aller sur les forums « médicaux » qu’Internet nous met à disposition ; je trouve cela inutile.
C’est donc avec tous ces mauvais souvenirs que je devais me refaire opérer. J’étais bien consciente que ne pas faire la chirurgie n’était pas la solution, et que les douleurs recommenceraient si la scoliose se reformait. Je me suis donc dit que j’étais maintenant préparée à d’éventuelles complications.
Avant la réintervention :
Il n’y a pas eu grand-chose à faire : seulement un rendez-vous avec l’anesthésiste, une radio et une analyse d’urine (et aussi de la paperasse, mais ce n’est pas moi qui m’en occupe ^^). Je peux affirmer que la dernière fois, j’ai dû passer de nombreux examens en plus de ceux cités : prises de sang, radio des dents, examen du cœur, examen pour mesurer l’influx nerveux dans les jambes (what ?) et même un régime sans résidus deux semaines avant l’arthrodèse ! J’étais donc plutôt confiante quant à la suite…
Veille et jour de l’opération :
Je suis entrée la veille de l’intervention. Il était prévu que j’entre dans la chambre à 16h15 (ce genre d’heure de rendez-vous médical hyper précis, ça me fait bien rire), alors que celle-ci n’était prête qu’à 19h30 ! À mon grand bonheur, le dîner du soir était sans résidus (je pouvais oublier le gros macaron acheté à la boulangerie pour me réconforter). Sinon, tout s’est bien passé, même si je n’ai pas bien réussi à dormir.
J’ai été réveillée tôt car j’étais prévue tôt dans le planning du chirurgien. Deuxième douche à la Béthadine (youpi !). La salle d’attente avant le bloc est très impressionnante : un mélange de hall de gare et d’un voyage vers l’au-delà. Des anesthésistes et des infirmières viennent voir chaque patient. On m’a demandé quel parfum je préférais pour l’anesthésie (une tache de feutre odorant sur le masque en plastique) et même une musique que j’apprécie ! Ne sachant pas quelle était la philosophie de l’hôpital au niveau des chansons, j’ai choisi Michael Jackson pensant que c’était ce qu’il y avait de plus classique. Je n’ai pas vu le chirurgien, mais tous les infirmiers étaient adorables (Damien, si tu passes par-là, je te salue). J’aimerais parler de cette sensation très spéciale qu’est ce fameux « gaz qui fait rire » : pendant quelques secondes seulement, je n’ai plus du tout ressenti mon corps, je pouvais encore penser, mais parler était une sensation très étrange puisque ma bouche aussi était totalement anesthésiée.
Je me suis réveillée trois heures plus tard au bloc. J’entendais encore le Roi de la pop et j’étais dans un lit d’hôpital. J’ai d’abord pensé que l’opération a été annulée, mais lorsque j’ai senti une vive impression de brulure dans le bas et sur le côté du dos, j’ai bien compris que non. Damien (que j’ai cité précédemment) m’a dit que tout s’était bien passé, mais qu’aucune chambre n’était disponible en unité de soins continus. Ils ont donc été contraints de m’emmener en réanimation même si cela n’était pas prévu. Là-bas, j’ai été accueillie par une charmante (*tousse tousse*) infirmière qui n’a trouvé que cette phrase là à me dire : « Qu’est-ce que tu fais là ? Tu n’étais pas prévue ! », d’un ton vraiment désagréable comme si elle voulait dire « Je ne sais pas si on va pouvoir s’occuper de toi. ». Pour couronner le tout, personne n’a prévenu mes parents que l’opération était finie et que j’étais en réa !
Les premiers jours, je n’ai eu droit à aucune nourriture solide, seulement des nutriments par sonde. Je peux vous assurer que c’est une sensation très étrange, de ne pas sentir ce que l’on mange. En réalité, l’envie de manger vient à l’heure habituelle des repas.
Le séjour à l’hôpital :
La réelle raison de mon article est la suivante : en une semaine, j’ai eu le temps d’observer de nombreux comportements. Voici une liste non-exhaustive d’anecdotes :
- La brutalité de l’hôpital. Presque aucune bienveillance à l’égard des patients (surtout de la part des chirurgiens et de beaucoup d’infirmiers) ni même de ses propres collègues. Une anecdote pour illustrer mon propos. La charmante infirmière (citée au-dessus) devait renouveler le pansement avec l’aide d’une étudiante. Après m’avoir déshabillé, tourné sur le côté, enlevé l’ancienne compresse, celle-ci se souvient subitement qu’elle a oublié de préparer le matériel. J’ai attendu dix minutes « dans les bras » de l’apprentie (qui en passant était très fine et n’avait pas beaucoup de force, je voyais qu’elle n’était pas bien).
- Une constante impression de lutte des classes entre le personnel soignant. Les infirmières contre les chirurgiens et médecins, les aides-soignantes contre les infirmières, etc. sauf les kinésithérapeutes qui n’ont pas l’air de se soucier de ces futilités. Un brancardier est même allé jusqu’à dire à une technicienne du service de radiologie « Non, je ne prendrais pas cette radio (un père l’avait oublié). Vous comprenez, si elle est perdue, on rejettera la faute sur moi, vu que je suis en bas de l’échelle. ». J’avais envie de répondre à ce type « Qu’avez-vous fait pour en arriver là ? ». Plus sérieusement, il faudrait expliquer à tout le corps médical que chacun est utile pour le bien du patient, mais j’ai bien peur que cela ne soit plus une priorité…
- La paperasse qui n’en finit pas. Après chaque passage, que ce soit l’infirmier, l’orthopédiste, le kinésithérapeute, qu’importe, celui-ci doit tout noter, absolument tout, de ce que j’ai mangé, à la température de mon corps, en passant par mon transit (d’ailleurs les jeunes internes me demandent franchement « As-tu bien fait caca ? », il ne faut pas être trop pudique…). J’imagine que c’est le protocole, et qu’il est appliqué par prudence, mais quelle perte de temps ! J’exagère peut-être un peu, mais remplir ces fiches prend presque autant de temps que les soins en eux-mêmes !
- Je ne pense pas que ce soit pareil dans tous les autres services, mais en réanimation, tous les infirmiers doivent déjeuner ensemble. Je comprends bien que ce métier est loin d’être facile, que l’on a besoin du soutien de ses collègues le temps d’un repas, mais le problème est qu’il y a une heure, où les patients ne doivent avoir besoin de rien…
- Un autre moment qui m’a mise en colère. C’était le soir, la veille de ma sortie. Habituellement, l’infirmière passe en début de service afin de s’assurer que tout va bien. Mais cette fois-là, personne. Je me suis donc dit qu’il y avait une urgence auprès d’un autre patient, et puis cela n’était pas très grave j’avais de quoi m’occuper (Le Bonheur des Dames de Zola). Je termine ma lecture, toujours personne. C’est alors que j’entends une voix dans le couloir qui ressemble à celle d’une infirmière (que voulez-vous, c’est mon sixième sens). J’interpelle donc cette personne qui me répond de manière autoritaire « Je travaille ! » (non, sans blague ?!). Au bout de quelques minutes, celle-ci vient me voir ; j’apprends que c’est l’aide-soignante de la nuit. Je lui demande l’heure, puis je lui fais part de mon envie de dormir. Elle me dit qu’elle va prévenir sa collègue et qu’elles viendront me coucher. J’attends un bon quart d’heure puis quand celles-ci entrent dans ma chambre, l’infirmière s’exclame « Tu dois mettre le masque (de la VNI), mais je ne sais pas comment on fait, et ta mère ne m’a pas prévenue ! ». Encore un bon quart d’heure de réflexion « Comment placer le masque ? ». Quand enfin, j’étais prête, tout ce que l’aide-soignante me trouve à dire c’est « Il est tard, il faut que tu dormes maintenant ! », comme si elle s’adressait à un enfant de trois ans.
- Et une dernière anecdote. Je connaissais une infirmière du service orthopédique depuis la dernière hospitalisation. Je lui ai raconté ce que j’ai écris plus haut, – c’est-à-dire, mes douleurs dues aux suites opératoires – et ajouté que je n’ai eu droit à aucun autre antalgique que le Doliprane à la sortie de l’hôpital. Celle-ci m’avoue alors, « Ce devait être une erreur. Nous, infirmières, vérifions toujours les ordonnances des médecins car souvent, ils ne se rendent pas compte de la réalité. Cette fois-là, nous n’avions peut-être pas eu le temps de corriger la prescription ou tu as été simplement oubliée. ». Est-elle en train de m’avouer que j’ai dû souffrir pendant des semaines à cause d’une mauvaise gestion des patients ? Il faut croire…
Finalement l’hospitalisation a duré plus longtemps que prévu (une semaine au lieu de deux/trois jours selon le chirurgien). La dernière fois aussi, je devais être internée pendant une semaine (toujours selon le chirurgien), mais cela a duré deux semaines. En lui demandant pourquoi est-ce qu’il a sous-estimé mon séjour, celui-ci me répond de manière très posée « Mais n’oublie pas que tu as une maladie. » (mais de qui se moque-t-il avec ce genre de phrase ?!).
Malgré toutes ces aberrations que vous venez de lire, j’aimerais souligner le fait que cette opération a vraiment eu un impact positif sur mon corps ; pour vous donner un exemple très concret (mais qui peut paraître futile), je peux porter n’importe quel pantalon, avant, j’étais obligée de ne porter que des leggings. Je suis consciente de ma « chance » de vivre et de me faire soigner en France (surtout à Paris). J’aimerais aussi ajouter que, j’ai aussi eu affaire à des personnes formidables, avec beaucoup d’empathie. Tout simplement merci à Françoise, Damien, Mathilde et Séverine, Perrine, Jacques… et d’autres dont j’ai oublié le nom de faire votre métier avec passion et pour l’amour du contact humain !
Je vais finir mon article avec une anecdote amusante. J’étais en service d’unité de soins continus, quand un bénévole de l’association Main dans la main vint à ma rencontre. Quand je suis hospitalisée pour mes opérations, je n’aime pas trop faire appel à ces volontaires, car je trouve que les divertissements proposés ne sont pas adaptés aux adolescents (ajoutez à cela le ton souvent mièvre employé pour accompagner ces activités). C’était un homme d’un certain âge, du nom de Jacques. Il m’a proposé des tours de magie avec des cartes. Je l’ai trouvé très sympathique ; il m’a ensuite posé des questions sur ce que je voudrais faire plus tard (classique), je lui ai répondu que je ne suis pas encore sûre, mais que je réfléchissais à devenir journaliste. Il me confie, amusé : « Moi aussi, j’ai fait des études de journalisme, j’étais même le doublon du JT de TF1 pendant un temps. Maintenant je suis à la retraite, je m’occupe en montrant des tours de cartes aux enfants. ».
C’est la fin de cet article. Ecrire tout cela m’a fait beaucoup de bien. Merci de m’avoir lu jusqu’au bout.
Mouchtounelle
[1] Connu aussi sous le nom de Topalgic, Contramal, etc.
Je n’ai pas eu cette expérience mais ma benjamine a une maladie génétique très rare et avant d’avoir le diagnostic, elle a passé (bébé) beaucoup d’examens et a été hospitalisée trois fois (toujours avec moi). J’ai parfois eu l’impression de déranger et j’ai fait une mauvaise expérience avec une personne bornée et désagréable lors d’un électroencéphalogramme mais sinon le personnel soignant était gentil.
Bon courage !
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Merci pour ton commentaire ! Je viens de sortir d’un énième séjour à l’hôpital, car le matériel s’est infecté. En un mois j’ai pu encore plus approfondir mes observations et si je peux donner un conseil, il ne faut pas hésiter à poser toutes les questions qui nous viennent en tête à un médecin de confiance (en pédiatrie on nous prend souvent pour des cons). Bravo aussi aux infirmières qui font un boulot incroyable et malheureusement peu reconnu ! Bon courage à toi et à ta petite (grande ?!) M.
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Elle est petite, elle a trois ans et demi. Merci beaucoup.
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